NAVAL - Les navires militaires ont le vent en poupe, la filière navale française doit s'adapter

L'Usine Nouvelle – 18 août 2025
[…] La filière navale française connaît une dynamique exceptionnelle, portée par la montée en puissance de la demande mondiale en navires militaires. Dans un contexte de tensions géopolitiques accrues, les États cherchent à moderniser leurs flottes pour défendre leurs zones économiques, sécuriser les routes maritimes et affirmer leur puissance. Cette tendance bénéficie directement aux chantiers navals et bureaux d'études français.
Les commandes affluent : sous-marins, frégates, patrouilleurs, bâtiments de lutte anti-mines. En 2023, le chiffre d'affaires de la filière a atteint 15 milliards d'euros, dont 70 % liés à la défense. « Cette année-là, 27 navires de défense ont été livrés », précise Philippe Missoffe, délégué général du Gican. Le carnet de commandes compte aujourd'hui 78 navires militaires, confirmant une capacité de production diversifiée, allant des vedettes aux sous-marins nucléaires.
Naval Group, fleuron du secteur, profite du renouvellement de la flotte française et du lancement de programmes structurants comme le futur porte-avions (Pang, prévu pour 2038) ou les sous-marins nucléaires de troisième génération (attendus dès 2035). Ce dynamisme irrigue tout le territoire, mobilisant des milliers d'emplois, notamment à Cherbourg. Les chantiers de second rang ne sont pas en reste : Piriou a vu son chiffre d'affaires tripler entre 2020 et 2023 pour atteindre 350 millions d'euros. « Être à la hauteur de cette croissance […] a été à la fois passionnant et compliqué », confie son président Vincent Faujour.
L'export constitue un autre moteur. Naval Group a remporté en 2024 un appel d'offres majeur aux Pays-Bas pour quatre sous-marins Barracuda, tandis que Kership et Socarenam décrochaient des contrats au Monténégro et en Belgique. Ces succès permettent d'amortir les coûts, mais la concurrence est féroce, avec la Chine, la Corée du Sud ou la Turquie, accusées parfois de dumping.
Ce boom s'accompagne de défis. La filière doit recruter 2 000 personnes par an jusqu'en 2030 : chaudronniers, soudeurs, électriciens, des profils également prisés par d'autres industries. « L'attractivité de la filière est l'un de nos grands enjeux, avec l'export, la compétitivité et l'innovation », souligne Philippe Missoffe. Les chantiers nouent des partenariats avec des centres de formation, mais recourent aussi à des travailleurs détachés pour combler les besoins immédiats.
La construction navale militaire française vit ainsi un âge d'or, mais sa pérennité dépendra de sa capacité à rester compétitive, à innover et à attirer de nouveaux talents.
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La Presse de la Manche – 18 août 2025
[…] Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a rappelé l'importance économique de la Défense dans les territoires, soulignant que « la grande majorité du budget de nos armées est réinjectée dans notre économie nationale ». À Cherbourg, où il s'était rendu en janvier 2024, cette présence est particulièrement visible : la base navale regroupe une partie des 2 077 personnels du ministère dans la Manche, soit plus de 4 000 personnes avec leurs familles.
L'impact local se traduit aussi par un tissu industriel étroitement lié aux commandes militaires. Naval Group, les Constructions mécaniques de Normandie (CMN) et le Groupe Fiva contribuent à des programmes majeurs inscrits dans la loi de programmation militaire 2024-2030 : quatre sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, deux patrouilleurs hauturiers et un bâtiment-base pour plongeurs démineurs, tous assemblés localement. Au total, on estime à plus de 4 400 les emplois directs générés par l'industrie de défense dans le département, auxquels s'ajoutent 1 200 emplois induits.
Les investissements sont significatifs : 200 millions d'euros d'ici 2030, avec notamment la rénovation ou la construction de 206 logements militaires et l'ouverture, en 2024, d'une crèche pour les enfants de militaires à Cherbourg. Les achats locaux des unités militaires atteindront 72 millions d'euros sur la durée de la programmation.
Enfin, la réserve opérationnelle sera fortement renforcée, passant de 192 volontaires actuellement à 770 d'ici 2030. Une montée en puissance voulue par Emmanuel Macron, qui a résumé l'enjeu : « monter en puissance pour être craint ».