Iskandar Safa, l'homme qui a réveillé les CMN

Actu.fr - 3 août 2020
[…] Iskandar Safa, propriétaire des chantiers CMN, à Cherbourg est un homme de paradoxes, personnage central du retour au premier plan des CMN ces dernières années à Cherbourg.
Début juillet, trois intercepteurs HSI ont quitté les chantiers des Constructions Mécaniques de Normandie, propriété de l'homme d'affaires franco-libanais Iskabdar Safa, direction l’Arabie Saoudite, dans le cadre d’un contrat avec le royaume wahhabite à hauteur de 600 millions de dollars pour la construction de 39 intercepteurs HSI. Des comme ça, les CMN vont en construire 21 en tout. Puis dix autres, pour le compte d’une autre commande saoudienne. Iskandar Safa aime à rappeler qu’il a transformé son carnet d’adresses en carnet de commandes.
Iskandar Safa a fondé Privinvest, spécialisée dans la construction navale, avec son frère Akram Safa. L’homme d’affaires et sa famille ont repris les CMN en 1992, alors que la société était en redressement judiciaire. On le raconte discret, mais son nom revient régulièrement dans l’actualité. Il ne cultive pas son image mais suit attentivement tout ce qui s’écrit sur lui.
L’histoire entre Iskandar Safa et les CMN aurait pu ne jamais commencer. En 1986-1987, il avait été candidat à la reprise du chantier, alors mal en point. C’est finalement la Financière de Rosario qui sera choisie. Cinq ans plus tard, les actifs immobiliers réalisés, mais le plan de charge toujours au plus bas, le chantier est à nouveau en vente. Iskandar Safa est toujours là. Devant le veto du ministre de la Défense, Pierre Joxe à l’époque, il faudra l’intervention de Bernard Cauvin auprès du cabinet du Premier ministre Edith Cresson pour emporter la décision.
Dans les années 90, Iskandar Safa avait réussi à décrocher plusieurs contrats historiques pour les CMN, notamment avec le sultanat d’Oman, avec le Koweït et avec les Émirats Arabes Unis. Le Franco-Libanais, né en 1955 à Beyrouth, s’est beaucoup investi pour permettre au chantier cherbourgeois de passer les (longues) périodes de disette.
En 2012, le jour de l’annonce de la signature du contrat avec le Mozambique, il est à Cherbourg avec Bernard Cazeneuve et Arnaud Montebourg, alors ministres de François Hollande. "Sans son engagement, sa fidélité, ce magnifique chantier n’existerait plus", commentait Bernard Cazeneuve. Et Arnaud Montebourg de verser dans le lyrisme : "Vous portez l’amour de la France en bandoulière". Homme d’affaires prospère et influent, passionné d’antiquités phéniciennes, Iskandar Safa a grandi dans une grande famille chrétienne maronite de commerçants et de propriétaires terriens. Il s’est engagé pendant la guerre civile dans une milice. Discret sur son passé, il préfère commencer son récit par son départ aux États-Unis en 1978, pour un début de carrière comme ingénieur en génie civil, suivi d’études à l’Insead, la pépinière d’hommes d’affaires de Fontainebleau.
En dehors des CMN, il possède des chantiers en Allemagne, en Grèce et à Abou Dhabi, où il s’est associé avec un cheikh et domicilie une partie de son groupe. En mai, l’homme d’affaires franco-libanais a d’ailleurs annoncé le rapprochement de son chantier naval de Kiel en Allemagne, German Naval Yards, avec celui de l’entreprise familiale Lürssen pour créer le numéro un allemand des navires militaires de surface. Depuis 30 ans, les deux chantiers se faisaient concurrence. Ils s’apprêtent à se marier pour la survie de leur industrie.