EMR - Les énergies vertes face au vide politique
Ouest-France – 23 septembre 2025
[…] Les investissements nécessaires à la décarbonation de la France se chiffrent en centaines de milliards d'euros, mais l'absence de feuille de route politique plonge la filière dans une profonde incertitude.
Emmanuel Rollin, directeur France d'Iberdrola, alerte : « Les parcs éoliens en mer dont la France souhaite se doter d'ici à 2050, c'est 100 milliards d'euros d'investissements (...). Personne ne peut s'engager dans de tels projets sans une vision claire de ce que souhaite l'État. Je tire le signal d'alarme ! ».
Le constat est partagé par Xavier Piechaczyk, président de RTE : « Toute décision d'investissement est impossible sans une vision claire des parcs éoliens offshore qui seront créés (...). La transition écologique doit aussi créer des emplois en France ». Mais la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3), attendue depuis 2023, n'a cessé d'être repoussée sous la pression politique. La PPE actuellement en vigueur, datant de l'ère Hollande-Royal, prévoit encore la fermeture de 14 réacteurs nucléaires. Pour Jules Nyssen (SER), « faute de nouvelle feuille de route énergétique, l'État français ne pourra pas plaider à Bruxelles le soutien financier qu'il compte accorder aux futurs réacteurs nucléaires d'EDF ».
Cette paralysie bloque également le lancement du dixième appel d'offres offshore, soit près de 10 GW de nouveaux parcs. L'instabilité politique fragilise déjà l'emploi : GE Vernova a supprimé 300 postes en 2024, et Siemens-Gamesa, malgré ses expansions, reste dans l'incertitude. « L'incertitude crée des turbulences alors que les énergies vertes sont devenues une véritable filière industrielle en France », regrette Béatrice Buffon (EDF).
La situation est aggravée par une consommation d'électricité « atone », plus basse qu'à la fin des années 2010. Alexandre Cosquer (Engie) y voit « une perte d'activité industrielle », tandis que Nicolas Ott (Elmy) dénonce les « stop & go multiples » sur les incitations, comme MaPrimRénov ou les primes véhicules.
Les émissions repartent à la hausse. Augustin Augier, secrétaire général de la planification écologique, alerte : « À la fin de l'année, [la France] devrait avoir réduit ses émissions cinq fois moins vite que ce qui était nécessaire ». Pour Jules Nyssen, seule « une électrification massive, inéluctable », peut conjuguer décarbonation, souveraineté et relance industrielle.
Mais les industriels demandent avant tout de la compétitivité. Alexandre Saubot (France Industrie) prévient : « Si le tube d'acier produit à partir d'énergie décarbonée coûte deux fois plus cher, il n'aura pas de client... ».