Cherbourg : à la découverte du chantier CMN

Postée le 30/11/2021

Mer et Marine - 22 novembre 2021

[…] A Cherbourg, les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) sont une institution. Le chantier normand préserve jalousement son savoir-faire, se modernise et innove, dans le sillage de son mythique fondateur, Félix Amiot.

Né en 1894 à Cherbourg et parti vivre avec ses parents à Issy-les-Moulineaux en 1908, ce passionné de mécanique et d'avions invente un procédé novateur d'assemblage de pièces métalliques et crée sa première entreprise, la Société d'Emboutissage et de Constructions Mécaniques (SECM) à Paris, dès 1916.

Une partie de la SECM est nationalisée en 1937. Félix Amiot décide alors d'édifier une nouvelle usine loin de Paris, sur ses terres natales de la presqu'île du Cotentin. C'est ainsi que les Chantiers Aéronautiques de Normandie (CAN) sont édifiés à Cherbourg en 1938.

Puis la guerre éclate. L'industriel décide alors de se lancer dans la navale. Il remet en état son usine cherbourgeoise, touchée par les bombardements et la transforme pour y produire des bateaux. Les Chantiers Aéronautiques de Normandie deviennent les Constructions Mécaniques de Normandie. Un premier navire en sort en 1948, en l'occurrence le chalutier en bois Annie. Puis l'entreprise s'oriente vers les bateaux gris, l'une des toutes premières réalisations étant le dragueur de mines côtier Achernar en 1954.

Les CMN ont aussi, plus tard, une belle période autour de la grande plaisance et la course au large, avec en particulier le trimaran de 23 mètres en aluminium Kriter IV pour Olivier de Kersauson en 1978 et le trimaran foiler Paul Ricard pour Eric Tabarly en 1979, ou le monocoque de 25 mètres Milène en carbone en 1985.

Mais c'est dans le domaine militaire que CMN va se faire une réputation mondiale à partie des années 60. Le chantier cherbourgeois met sur cale en décembre 1961 La Combattante, un patrouilleur innovant conçu pour la mise en œuvre de missiles. La Combattante, lancée en 1963, est mise en service l'année suivante au sein de la marine française. Le constructeur français va remporter un succès considérable à l'export en développant son concept Combattante.

CMN vend plus de 90 Combattante à travers le monde, dont les fameuses "vedettes de Cherbourg", unités commandées par Israël et qui deviennent célèbres en s'échappant du port du Cotentin à Noël 1969 malgré un ordre d'embargo du général de Gaulle. Des Combattante II sont livrées au début des années 70 à la République Fédérale Allemande (RFA), qui voit là une excellente manière de tenir en respect la flotte soviétique de la Baltique et les forces navales des pays satellites de l'URSS, à commencer par la RDA.

Mais alors que le constructeur est en plein essor, Félix Amiot décède en décembre 1974, à l'âge de 80 ans. L'ancien patron laisse à sa mort plusieurs années de charge au chantier mais, rapidement, une période très compliquée débute pour CMN, qui subissent le contrecoup de la crise économique qui suit les chocs pétroliers puis la crise de la construction navale européenne dans les années 80. En 1987, la famille Amiot se résout à la vendre. Elle est rachetée par la Financière de Rosario. CMN ne restera que cinq ans dans le giron de la Financière de Rosario et en sortira exsangue. En 1992, le chantier est racheté par l'homme d'affaire Iskandar Safa, qui saura le redynamiser et lui faire profiter de ses contacts à l'international.

Au tournant des années, 2000, alors que les budgets militaires sont globalement en baisse à travers le monde, CMN cherche à diversifier son activité en s'attaquant au marché des grands motor-yachts. Le chantier sort en 2002 l'Heloval (42 mètres), puis en 2007 le Netanya 8 (58 mètres) et en 2009 les Slipstream et Cloud 9, deux très belles unités de 60 mètres. Mais l'aventure de la grande plaisance s'arrête là, ce marché étant considéré comme trop compliqué.

CMN repart à l'assaut du marché militaire. Le chantier traverse une période difficile entre 2010 et 2013. L'activité tombe au plus bas, les ateliers se vident, il y a du chômage partiel et les effectifs tombent sous la barre des 300 salariés. CMN fait le dos rond et développe un concept innovant de patrouilleur multicoques en composite qui donnera naissance à l'Ocean Eagle (43 mètres), et les intercepteurs ultrarapides de 32 mètres en aluminium de la gamme HSI. Les deux modèles sont vendus en 2013 au Mozambique, dans le cadre d'une commande globale de 30 navires.

Ce contrat historique relance CMN et fait travailler le chantier jusqu'en 2016. CMN livre en 2018 trois unités de ce type pour l'Angola et, surtout, décroche la même année la commande de 39 de ces intercepteurs par l'Arabie Saoudite. Les livraisons ont débuté en 2020 et doivent se poursuivre jusqu'à la fin 2022. C'est ce contrat qui assure actuellement le gros de la charge de CMN, qui produit en moyenne un intercepteur par mois.

CMN produit également des hydroliennes conçues par la société grenobloise HydroQuest, filiale de CMN, en particulier un prototype marin d'une puissance de 1 MW. Large de 25 mètres pour une hauteur de 11 mètres et une masse de 1400 tonnes, cette machine a été testée avec succès sur le site de Paimpol-Bréhat entre avril 2019 et septembre 2021. Forts de cette expérimentation réussie, les industriels se positionnent désormais sur des projets de parcs pilotes puis de fermes commerciales, notamment dans le Raz Blanchard. C'est l'un des grands axes de diversification actuellement suivis par le chantier.

L'industriel s'est également résolu à engager la modernisation de son site historique, qui s'étend sur 15 hectares avec les anciennes nefs aéronautiques et des bâtiments plus modernes. Les investissements ont débuté. Le bâtiment de la direction technique va ainsi être rénové, alors qu'un plateau ultramoderne pour les directions de programmes est en cours d'aménagement entre les nefs de production.

Forte aujourd'hui de plus de 400 salariés, l'entreprise, repartie sur une bonne trajectoire de croissance ces dernières années, embauche et renforce ses partenariats avec les acteurs locaux et nationaux pour promouvoir les métiers de la navale. Chez CMN, on dit voir l'avenir avec confiance, même si dans ce secteur, rien n'est jamais gagné et qu'il faut en permanence se battre pour remplir le carnet de commandes.

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